Pollinis’actions : outil de diagnostic des milieux favorables aux pollinisateurs sur les fermes

Pollinis’actions est un outil développé par un groupe d’agriculteurs, en partenariat avec la Fédération régionale des Civam Bretagne, Bio-Studies, Bretagne Vivante et Yves Rocher. Son objectif est de déterminer les milieux favorables et défavorables aux pollinisateurs sur la ferme et à partir de là, d’identifier des actions à engager pour conserver ou améliorer la présence des pollinisateurs.

Présentation de cet outil et témoignage de Pettan Behoteguy, apiculteur à Ordiarp.

Présentation de l’outil

L’outil se présente sous la forme d’une plaquette, téléchargeable ci-dessous et qui fait 6 pages. Associé à une photo aérienne de votre parcellaire, l’outil permet de repérer les différents milieux et d’identifier les pratiques plus ou moins favorables aux fleurs sauvages et aux habitats des pollinisateurs. Sept milieux sont questionnés : les haies, les cultures, les talus, les prairies, les bords de parcelles / chemins / friches, les dépotoirs et bourriers, ainsi que les "autres" milieux non classés.

Dans les actions phares à retenir, on retrouve des recommandations pour "Désintensifier la gestion des bordures de haies, des parcelles, des zones délaissées", pour "Éviter de vouloir "faire propre" à tout prix" ou encore pour "Conserver ou (re)constituer une diversité d’habitats, en les connectant entre-eux".

Témoignage d’un apiculteur

" En observant notre environnement, on peut constater quotidiennement l’action de l’humain (ou plutôt de ses machines et de ses technologies), qui modèle le vivant selon ses désirs. Que ce soit dans un objectif de production, d’esthétique, de mécanisation ou autre (obtention de subventions, sécurité...), ces actions modifient l’environnement. Et cela se fait souvent au détriment de la biodiversité.

D’un coup de flamme, de lame, de fléau, de produit "phyto"... C’est tout un biotope ayant mis des années à s’équilibrer qui peut être bouleversé. La nature reprendra inévitablement ses droits par la suite, une autre forme de vie succèdera, mais forcément de manière appauvrie à court terme.

Cette modification des habitats et de la ressource alimentaire impact fortement la diversité et la quantité d’insectes, pollinisateur ou autres, qui ont tous leurs spécialités, leurs rôles, leurs places. Par exemple, certains insectes ayant une langue plus longue butineront des fleurs inaccessibles à d’autres ; selon la forme et la force de leurs pattes, ils collecteront tel ou tel pollen... L’étude des insectes invisibles (ou plutôt ignorés) est passionnante. Se renseigner sur la vie d’un cloporte, d’un pince oreille ou d’un scarabée permet de les considérer d’un œil nouveau : on se rend compte de l’extrême interdépendance de tous les organismes vivants (bactéries, champignons, végétaux, insectes, mammifères, oiseaux), qu’ils soient sauvages ou cultivés/élevés. Le biodiversité n’est pas qu’un concept de bobos citadins. Nous avons et aurons besoin de la nature.

Souvent, je me demande pourquoi brûler un tas de branches (et pourquoi j’en ai tant brûlé), un tas de refus, un roncier…et la réponse est simple : c’est pour nettoyer. Mais après le feu, qu’est-ce que l’on obtient ? Un spectacle désolé de la terre bien « propre » mais rendue morte, les coquilles d’escargots attestant que ce milieu était plein de vie. Tout ce que ces végétaux ont mis des années à fixer et à vouloir rendre à la terre repart en quelques minutes dans l’atmosphère, déjà bien assez saturée en CO2.

Dans notre région d’élevage, les désherbants « sélectifs » utilisés sur les prairies ont un effet ravageur sur la ressource florale (trèfle, pissenlits, véronique, lotier…). En privilégiant les graminées, nous réduisons très fortement l’offre alimentaire des insectes butineurs et par voie de conséquence leur population.

Les haies ont une importance primordiale, leurs avantages sont nombreux et avérés : infiltration de l’eau et protection des sols, brise vent, source de nectar et de pollen, rôle paysager, zone refuge, corridor écologique… La modernisation mécanique intensifie l’arrachage des haies pour faciliter la mécanisation par la suite. Ceci entraîne forcément un agrandissement parcellaire et un appauvrissement écologique.

A l’échelle d’une ferme et sur certains emplacements, il semble assez facile de modifier certaines pratiques. En pensant d’une autre façon, on peut voir certains espaces d’un autre œil et décider de ne pas ou peu intervenir afin de recréer des zones refuges et alimentaires bénéfiques aux insectes, aux oiseaux…à la vie.

Nous pouvons utiliser nos connaissances et technologies pour accompagner certains espaces avec de nouveaux objectifs, plutôt que pour dominer la nature et « faire propre ». Il faut assumer ce choix, sans se soucier de ce que pourront dire ou penser les voisins. "

Pettan Behoteguy, apiculteur à Ordiarp.