Les paiements pour services environnementaux... Ingurumen serbitzuen ordaintzea...

Les paiements pour services environnementaux (PSE) définissent un cadre particulier des relations humains / nature, en attribuant une valeur économique et marchande à des services rendus par les écosystèmes. Zoom sur les services écosystémiques, les paiements pour services environnementaux et sur les critiques et limites de ces concepts.

Le concept de "service écosystémique"

Au début des années 1970, le monde commence à prendre conscience de la surexploitation des ressources naturelles, de ses causes et conséquences (conférence de Stockholm, création de l’Environmental Protection Agency aux Etats-Unis, première crise pétrolière de 1973...). C’est dans ce contexte qu’apparaît la notion de service écosystémique, médiatisée via l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment (MA), 2005) : les services écosystémiques regroupent tous les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes (alimentation, énergies fossiles et renouvelables, pollinisation, régulation du climat, loisirs etc.).
Dès la deuxième moitié des années 1990, les services écosystémiques sont pensés dans un cadre économique : donner une valeur à ces services via la monnaie, pour diffuser la prise de conscience sur la dégradation des écosystèmes. Il y a "une volonté de médiatisation des menaces sur les écosystèmes ; l’évaluation monétaire devenant alors un outil de sensibilisation tout à fait significatif pour de nombreux économistes... mais aussi pour de nombreux écologues et biologistes de la conservation", P. Méral (2012).

Il y a une légère différence entre les services écosystémiques et les services environnementaux. Alors que les services écosystémiques comprennent "ceux fournis par les écosystèmes et ceux fournis par l’agriculture pour les écosystèmes", les services environnementaux concernent "les services rendus par l’agriculture pour les autres secteurs d’activités humaines. (...). On comprend alors aisément le caractère politique de ce type de recherche, puisque l’approche par les services environnementaux renvoie implicitement aux discussions autour des politiques agricoles et des soutiens à tel ou tel type d’agriculture", P. Méral (2012).

Les paiements pour services environnementaux (PSE)
Le concept de PSE émerge aussi à la fin des années 1990 : le premier système de PSE est mis en place au Costa Rica dans ces années. Par la suite, les États et politiques publiques cherchent à rendre opérationnelles les recommandations du rapport de MA, notamment via l’économie : les paiements pour services environnementaux deviennent petit à petit la norme en matière de protection environnementale, à l’échelle internationale. "Souvent présenté comme l’équivalent pour la biodiversité des initiatives du GIEC et du rapport Stern, le MA puis le "The economics of ecosystems and biodiversity" (TEEB) ont contribué à orienter les politiques de conservation et de gestion durable de la biodiversité vers des modes de régulation économique.", D. Pesche et al. (2011).

L’approche marchande des services écosystémiques et environnementaux permet de dresser un état des lieux des interactions humains - nature, relativement facilement compréhensible et démontrant clairement comment les humains dépendent de la production de ces services. Cela donne une idée "choc" sur ce qui nous entoure. "La métaphore de la biodiversité représentée comme un flux de services marchands pour le bien-être de l’humanité s’impose aujourd’hui dans les discours des organisations internationales, relayée par les scientifiques et les acteurs du développement. Elle permettrait de rémunérer directement la production de services, de créer des marchés de droits, d’utiliser des outils économiques, contribuant ainsi à la conservation des écosystèmes.", rédaction de Cairn.info (2012).
Cependant... "Les notions de services écosystémiques et de services environnementaux (...) introduisent une approche très utilitariste de notre rapport à l’environnement. Les PSE s’inscrivent donc dans cette dernière appréhension qui prépare à une gestion de la conservation de la nature par l’économie et la contractualisation juridique.", réseau Civam (2020).

Les critiques et limites de ces notions
Les écosystèmes sont par nature des "éléments complexes", c’est-à-dire qu’il nous est presque impossible à nous, les êtres humains, d’en comprendre complètement le fonctionnement, la structure, ou les liens entre les éléments qui semblent le composer. "La complexité existe quand notre niveau de connaissance ne nous permet pas d’apprivoiser l’ensemble des informations", Edgar Morin. Or, la marchandisation de l’environnement, c’est donner un prix à ces éléments complexes...et donc quelque part les simplifier, au risque de les réduire et de les percevoir comme des éléments compliqués. Dans un système compliqué, comme le moteur d’une voiture, il est possible d’isoler chaque pièce du moteur pour comprendre son rôle et fonctionnement, puis de ré-assembler chaque pièce pour en comprendre le tout et en avoir une vision d’ensemble. Si on considère les écosystèmes comme des systèmes compliqués, alors ils perdent toutes notions d’évolutions, de dynamisme, d’adaptation et de résilience. D’autant plus qu’il existe une multitude d’interactions entre chaque "élément" d’un écosystème...

Une deuxième critique aux PSE, c’est que dans une société capitaliste et marchande, la seule façon que nous aurions pour limiter les impacts de l’humain sur les écosystèmes serait de tout monétiser : en donnant un prix aux choses, nous prendrions d’une part conscience de leur valeur... et d’autre part pourrions en tirer davantage profit, via la privatisation ("puisque la majorité n’est pas assez responsable, il faut un gestionnaire").
"La seule certitude est que, dans le système moderne, la chose utile et pour cette raison appropriée, appartient totalement à son propriétaire. Devenue bien, la chose conserve son, ou plutôt ses utilités intrinsèques, qui vont alors, de façon monopolistique, profiter à une personne unique : le propriétaire.", G.Beaussonie (2017). La privatisation des biens communs a déjà commencé : depuis 1994, l’eau est cotée en bourse en Australie. Quand il y a sécheresse, le prix de l’eau s’envole et inversement... seules les très grandes exploitations ont les moyens d’acheter et de stocker de l’eau, tandis que de nombreux investisseurs achètent "l’or bleu" pour le revendre plus cher au bon moment. En Californie, aux États-Unis, la spéculation sur l’eau a récemment commencé.

Pour aller plus loin :

  • La qualification juridique des services écosystémiques, Guillaume Beaussonie (2017). Cliquez-ici pour ouvrir la publication.
  • Le concept de service écosystémique en économie : origine et tendances récentes, Philippe Méral (2012). Cliquez-ici pour ouvrir la publication.
  • Services écosystémiques et paiements pour services environnementaux : les deux faces d’une même logique ? D. Pesche, P. Méral, M. Hrabanski, M. Bonnin, août 2011. Document disponible ci-dessous.
  • Qu’est-ce qu’un PSE acceptable selon les Civam ? Note de synthèse des travaux Civam, septembre 2020. Document disponible ci-dessous.