L’utilisation des pesticides dans le monde ne cesse de croître, suivant le rythme d’expansion des variétés "modernes", à "haut-rendements"... et donc à "hauts intrants". Dans ces intrants, on retrouve les engrais de synthèses, N-P-K and co, et tout un panel de pesticides : herbicides, fongicides, acaricides, molluscicides, insecticides... Il existe plus de 1 000 substances toxiques !
Retour sur l’utilisation des pesticides dans le monde, et zoom sur les conséquences de l’utilisation du glyphosate, un herbicide, notamment en France. Puis présentation d’une pensée et de pratiques alternatives : l’agriculture biologique !
Utilisation des pesticides dans le monde : état des lieux
"Pesticide" : formé du préfixe "pest-", d’origine anglaise et signifiant "animal, insecte ou plante nuisible, parasite", ou d’origine française avec le mot "peste" (fléau, maladie...) ; et du suffixe "-cide", d’origine latine et qui signifie "tuer". Il s’agit donc d’éliminer les êtres vivants que l’on aura précédemment qualifié de nuisibles / mauvaises herbes / adventices et autres.
En 2001, 3 millions de tonnes de pesticides étaient utilisées dans le monde. Actuellement, la FAO estime ce chiffre à 4.6 millions de tonnes par an. En 2019, les 10 pays les plus consommateurs de pesticides, en tonnes / an, sont :
La France en fait partie... Si on ramène la consommation de pesticides de chaque pays par hectare de terre cultivée, la liste des pays utilisant le plus de pesticides n’est plus la même...
Actuellement, l’usage mondial des pesticides n’est réalisé qu’à 25 % par des "pays en développement", même si leur part tend à augmenter d’années en années. Globalement, les pesticides utilisés sont à 47,5 % des herbicides, 29,5 % des insecticides, 17,5 % des fongicides et 5,5 % sont autres (Sharam et al., 2019). Parmi ces herbicides, le glyphosate, pesticide le plus utilisé dans le monde...
Petite histoire du glyphosate...
Le glyphosate est la molécule active de l’herbicide RoundUp, commercialisé à l’origine par Monsanto en 1975. C’est un herbicide à spectre large, c’est-à-dire que son action est généralisé à tous les végétaux, elle n’est pas spécifique à une famille ou une espèce de plante en particulier.
Nous savons aujourd’hui que Monsanto savait depuis 1999 que sa formule RoundUp "pourrait influencer le matériel génétique d’un individu et susciter des cancers", (voir dans les sources ci-dessous les articles de Pollinis, 2016, et de Marina Fabre, 2017). En 2000, le brevet qu’avait déposé Monsanté en 1975 a basculé dans le domaine public, et le glyphosate est aujourd’hui fabriqué par une quarantaine de sociétés.
Cependant, les tests de toxicologie du glyphosate sont souvent réalisés par les industriels eux-mêmes (non, il n’y a pas de conflits d’intérêts) et UNIQUEMENT sur la molécule de glyphosate, et non sur les formules commercialisées, qui contiennent en plus des solvants, émulateurs et autres adjuvants pour améliorer l’efficacité du produit. Ces tests sont aussi peu menés sur les dérivés de la molécule de glyphosate, lorsqu’elle se décompose dans l’environnement, notamment en AMPA, et il est encore moins étudié les "effets coktails", soit comment les molécules de pesticides d’une part se dégradent dans l’environnement et comment elles peuvent se ré-agencer entre elles.
En 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) classe pourtant le glyphosate comme "perturbateur endocrinien possible". En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) le classe comme "cancérogène probable". Le CIRC est une agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans les pays industrialisés, le glyphosate est détecté de façon plus ou moins importante, mais quasi-systématiquement, dans les chaînes trophiques (plantes, animaux...), les sols, l’air, l’eau, la biodiversité... ainsi que, bien évidemment puisque nous faisons partie des êtres vivants sur la planète Terre, dans les populations humaines. Y compris chez les Inuits, peuple vivant dans les régions arctiques, qui vu leur climat ne se posent pas la question de la gestion des cultures végétales (voir à ce sujet l’article de Marla Cone, 2004).
Dans le milieu scientifique, il est généralement admis (hors études publiées par les agro-industriels), que les hommes ont tendance à avoir une concentration urinaire moyenne de glyphosate plus élevée que les femmes ; que les enfants ont généralement plus de glyphosate dans leurs urines que les adultes ; même chose pour les agriculteurs et agricultrices, comparés à la population générale. Les principales voies d’expositions pour les humains semble être la nourriture et l’inhalation, avec des niveaux d’exposition plus élevés dans les "pays en développement".
Le glyphosate en France
Rappelons-nous que la France fait non seulement partie des 10 pays les plus consommateurs de pesticides, mais qu’elle figure aussi comme le premier pays à l’échelle de l’Europe.
Malgré les plans Ecophyto, la consommation de glyphosate a augmenté de 25 % entre 2008 et 2018. Malgré aussi les alertes sur les conséquences néfastes du glyphosate, lancées et reconnues à l’échelle mondiale, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu récemment que le glyphosate est "peu susceptible de présenter un risque cancérigène pour l’homme et que les preuves ne suffisent pas pour cette classification concernant son potentiel cancérogène".
Conséquences : une étude scientifique récente, sortie en janvier 2022, portait comme titre "99 % de la population française présente des niveaux quantifiables de glyphosate dans les urines. Les hommes, les jeunes et les agriculteurs présentent des valeurs plus élevées".
L’échantillon de cette étude comprenant des français de métropole, ainsi que de la Réunion. Ils concluent leurs études en disant que la consommation de tabac, de bière, de jus de fruits, d’eau du robinet et de produits alimentaires issus de l’agriculture industrielle est associée à des taux plus élevé de glyphosate trouvé dans les urines. Par ailleurs, il semble qu’il y ait un effet saisonnier, avec des taux de contaminations plus élevés au printemps et en été.
L’agriculture biologique comme alternative
L’agriculture biologique (AB) est une forme de pratiques agricoles qui émerge comme alternative à l’agriculture industrielle, qui s’est développée à la fin de la Seconde guerre mondiale, grâce à la Révolution Verte dans la plupart des "pays développés" (généralisation de l’usage des intrants de synthèses - engrais et pesticides - et de l’usage des moteurs - tracteurs et autres outils mécaniques de travail).
L’idée générale, c’est "de faire avec plutôt que contre" : de faire avec notre environnement, plutôt que de chercher à le supprimer, notamment par l’usage de pesticides ; de trouver d’autres solutions techniques pour arriver quand même à produire des aliments (solutions qui ne sont pas simples, qui ne sont pas de l’ordre d’une action ponctuelle comme épandre un herbicide) etc. Cependant, l’agriculture biologique utilise aussi certaines préparations pour "traiter" les cultures et animaux : c’est le cas par exemple des traitements "naturels", comme le cuivre ou le soufre.
Cette forme d’agronomie oblige à repenser la place de l’être humain dans le monde, que ce soit au niveau de l’organisation de la société humaine (davantage de justice sociale, d’inclusion et diminution forte des inégalités, quelles qu’elles soient), ou au niveau de la place de l’être humain dans la vie sur Terre en général (rapport aux autres êtres vivants, impacts sur des écosystèmes cultivés ou non...). Agronomie qui, rappelons-le, toute science qu’elle soit, contient une dimension de science humaine : les pratiques agricoles ne sont pas neutres et dépendant de la société humaine où elles se développent.
Actuellement, il existe un cahier des charges de l’AB : à l’intérieur, se trouve toutes les pratiques agricoles autorisées et celles interdites pour pouvoir appeler un produit "issu de l’agriculture biologique". Ce cahier des charges est décidé à l’échelle européenne et depuis 2009, aucun pays membre de l’Union Européenne ne peut adopter un cahier des charges plus restrictif que le cahier des charges européen.
B.L.E, depuis sa création, milite pour une "bio+", qui va plus loin que le cahier des charges actuel : il ne prend pas en compte les aspects sociaux et humains des productions agricoles et ne va pas assez loin sur les questions des impacts environnementaux liés aux pratiques agricoles.
Vous pourrez creuser :
- le modèle agricole défendu par B.L.E, en allant sur notre compte YouTube —> "Bio+ [1] Pourquoi la différenciation "bio+" ?", "Bio+ [2] C’est quoi la "bio+" pour vous ?", "bio+ [3] Concrètement...", les vidéos du collectif Pour une autre PAC, que B.L.E soutient en tant que Civam, "Le modèle d’organisation de B.L.E" et bien d’autres vidéos encore ;
- sur notre site internet, dans l’espace Ressources (accès réservé aux adhérent·e·s) ou dans les actualités, des articles et dossiers : "Retour sur les journées d’échanges PNPP", "Maîtriser Rumex et Chardons sans pesticides si possible", "Connaître son sol pour mieux adapter ses pratiques agricoles", "Maîtriser les adventices en AB, notamment le chardon", "Quelques éléments sur le glyphosate...", "Guide de passage à l’agriculture biologique"....
Pour aller plus loin et sources :
- Céline Deluzarche, "Pesticides : les pays les plus gros consommateurs", février 2019 ;
- Eric Chaverou « Glyphosate : d’une découverte oubliée à la molécule la plus utilisée au monde », France culture, octobre 2017 ;
- Grau D., Grau N., Gascuel Q., Paroissin C., Stratonovitch C., Lairon D., Devault D.A., Di Cristofaro J., « 99 % de la population française présentent des niveaux quantifiables de glyphosate dans les urines. Les hommes, les jeunes et les agriculteurs présentent des valeurs plus élevées », paru en janvier 2022, Environmental Science and Pollution Research ;
- Marina Fabre, « Monsanto, de scandale en scandale », Novethic, avril 2017 ;
- Marla Cone, « Pollution invisible au Groenland. Le festin toxique des Inuit », article pour Los Angeles Times et relayé par la revue Courrier international en mai 2004 ;
- Pollinis, « Glyphosate : remise à plat de la dangerosité de cet herbicide », juin 2016 ;
- Sharma A. et al. « Worldwide pesticide usage and its impacts on ecosystem », SN Applied Sciences, octobre 2019.
Vous pouvez aussi contactez l’équipe des salariés de B.L.E, en vous rendant dans la rubrique "Nor gira ? - Qui sommes-nous ?" et en cliquant sur l’article ’Le fonctionnement interne de B.L.E : administrateurs.trices, bureau et salarié.e.s" !